
LA CHAUSSURE
Quand une chaussure se délasse devant
une assiette elle tire la langue jusque dans
le cou bien que les soucis plissent un front
qu'elle porte trop bas, celui d'un animal qui
crie les premiers soirs, qui écrase tout sur
son passage, qui sue par toutes les coutu-
res sa peur de l'eau et du froid.
Je le brise, je le dépèce et j'attelle un rhi-
nocéros dont le masque sans regard fouille
le noir, dont j'ignore s'il tâtonne de l'orteil
ou de l'oreille.
Son cou se serra d'épouvante lorsqu'il se
vit dans l'arène, les grappes de la foule prê-
te à l'écraser. Prudemment il tenta une sor-
tie risquant hors du pressoir une oreille puis
un orteil.
La démarche était hésitante, entre deux
vins, ou les yeux bandés.
Il regrettait surtout cette ceinture sur
l'estomac à la fois près du cou et des
talons, même si après la course tous ses
boeufs étaient comblés.
Il rentrait dans la maison d'un pendu.
L'idée d'un tel dénouement ne le fit pas
reculer, il essaya toutes les chaussures, com-
para la hauteur du front et la profondeur
du nez, vérifia la justesse des oreilles et la
longueur de la langue. Ces qui n'empêcha
pas les oreilles de frotter contre les trom-
pettes ou les doigts sur les serrures. Qui ren-
trait là se contenter d'occuper les lieux,
étant persuadé d'y être arrivé le premier.
Tirer la langue la lie à l'hôte qui
la comble. Celui-ci tolère qu'elle sorte l'oreille
de temps en temps. Bonne précaution lors-
qu'on saute du lit, le dormeur l'écrase,
tâtonne de l'orteil puis, pour se donner
contenance, marche à grands pas dans la
rue.
Rien ne l'arrête, autant parler de dénoue-
ment à un pendu.
Alain WEXLER | Tables| Le dé bleu |1992 | p.32-33.